Publié par : oliviertredan | J février 2006

Blogging et construction des identités sociales

Un article de Philippe Boisnard sur AgoraVox évoque le cas des Skyblogs, et des logiques de constructions identitaires via les Skyblogs.

« Les créateurs, plutôt que d’entrer dans un ordre de trangression soit de la narrativité, soit même des convenances sociales, économiques, en redéploient la modalité par la variation seulement des contenus. En ce sens, ces aventures de Sims par vignettes se présentent comme des lieux de réflexion et de réappropriation de la réalité sociale par les auteurs, non pas en vue d’une critique, d’une remise en cause, mais en tant qu’ils semblent rechercher à définir par eux-mêmes, en tant qu’ils sont les démiurges de ces mondes, une certaine forme de cohérence sociale, par le jeu de rôle. »

Sans aller jusqu’aux références aux divinités surplombantes une situation construite de toutes pièces, à la manière des émissions du type Big Brother, l’auteur pointe du doigt deux aspects du blog, qui sont révélateur du processus du construction des identités sociales.

La conformité est en effet remarquable, car au-delà de l’utilisation des artefacts des Sims, ce qui est frappant dans ces blogs, c’est la conformité dans la manière d’agencer le contenu. Les textes sont courts, parfois écrits avec le même langage chat qui caractérisent les écrits adolescents. Ce conformisme en ligne, s’apparente à la construction d’un « moi », qui se construit dans l’anticipation des attentes d’un autrui généralisé. Celui-ci se limite à l’espace de la plate-forme d’hébergement. La reconnaissance première attendue vient donc de la conscience de soi et de l’intériorisation du regard de l’autre, qui induit ce conformisme groupal.

Le contenu par contre révèle une tendance à la différenciation par l’affirmation de soi en mobilisant un vécu personnel, derrière ces artefacts. La logique ici mise en évidence est celle d’un processus de construction d’un « je » différent des autres. Ici, ce qui se joue, c’est donc une prise relative de distance par rapport au conformisme ambiant et aux attentes minimales des lecteurs.

Ces deux aspects, le conformisme et l’originalité, le « moi » et le « je » constitue deux facettes d’une production des identités sociales, d’une production d’un soi. Donc, une identité se construit dans l’altérité, dans le regard d’un autrui généralisé. Le soi cherche à la fois à se conformer, tout en recherchant l’originalité. C’est ce processus dialectique qui permet de comprendre les permanences et changements dans les pratiques.

Il est alors remarquable que le « moi » est plus important que le « je » dans le cas des adolescents. La tyrannie de la majorité, selon les mots de Dominique Pasquier, la tyrannie de l’autrui généralisé, de son regard intériorisé semble prendre une autre forme chez les blogueurs adultes. La conformité est somme toute minimale, et est liée à la médiation de la technique et une vision normative hypertextuelle de l’Internet. La recherche de contenu originale, le ton subjectif témoigne d’une prédominance du « je » dans une logique d’affirmation de soi, de production d’un soi « virtuel » et d’une image valorisante. Le regard de l’autre est alors mise en visibilité par l’interactivté.

La prédominance du « je » sur le « moi » nécessite une attitude particulière et s’avère coûteuse dans l’acte même de production de contenu informationnel différencié. Cette observation constitue une interpertation partielle de la différence du succès du blogging. La conformité étant nécessaire à la construction d’un soi chez les adolescents, elle est en même temps relativement aisé à être extériorisée.


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